CHANTIER #4 de la gouvernance
Du 15 au 17 décembre 2022
THÈME : Faire de l'espace commun
Intention du chantier #4
Les espaces physiques et numériques qui accueillent les activités de nos organisations sont des dispositifs qui permettent ou empêchent la rencontre avec d'autres organisations et les habitants du quartier et de la ville. Quelles sont les dynamiques qui façonnent ce type de relations ?
Que signifie ouvrir un espace ? Quelles relations de pouvoir existent entre les propriétaires/administrateurs et les usagers d'un espace ?
Comment des mécanismes tels que le free-riding et le comportement propriétaire sont-ils mis en œuvre et comment pouvons-nous les aborder pour rendre durable l'accès à un espace continu ? Comment rendre ces relations visibles ?
Programme du chantier #4
PARTAGER
Pour comprendre les usages de l'espace dans le quartier La Chapelle, nous avons choisi d'observer un lieu emblématique : la Halle Pajol qui héberge le premier temps de l'atelier lui-même. Sur la base du partage des récits de l'histoire et du rôle de ce lieu dans le quartier, nous nous sommes interrogés sur les dimensions symboliques et politiques de cet espace dans la transformation du quartier, des habitants.
EXPLORER
À la suite de la visite de la Halle Pajol, nous mettons en place un dispositif qui vise à explorer les avantages de la collaboration pour l'accès aux ressources par le biais d'un jeu de rôle dans lequel une crise (manque de financement) servira de déclencheur pour révéler les privilèges et encourager la coopération (étant donné que c'est souvent le besoin d'espaces ou de ressources qui conduit au choix de collaborer en premier lieu).
FABRIQUER
Travail sur un objet singulier propre au quartier en rapport avec le sujet du chantier : à partir d'une étude de cas, nous procéderons à l'exploration des enjeux de l'ouverture et de la mise en accessibilité des espaces numériques et physiques. Nous confronterons deux points de vue : celui des usagers et celui des acteurs du quartier.
Personnes invitées - chantier #4
Cecilia Nessi est docteure en sociologie urbaine (Université de Milan Bicocca, Italie) et en sciences sociales et politiques (Université de Liège, Belgique). Elle adopte une approche transféministe et queer pour observer et repenser les relations dans les espaces urbanisés.
Maria Francesca De Tullio est chercheuse post-doc en droit constitutionnel. Ses principaux domaines de recherche sont : la représentation politique et la démocratie participative, en particulier dans le domaine culturel ; la lutte contre le terrorisme et les états d'urgence légaux ; le droit de l'Internet - la dimension collective de la vie privée à l'ère du big data. En outre, elle acquiert des compétences spécifiques en agissant en tant qu'experte juridique dans le dialogue sur les biens communs entre les mouvements de base et les administrations dans différentes villes d'Italie.
Angela María Osorio Méndez est chercheuse et praticienne urbaine, titulaire d'un diplôme d'architecture et d'un doctorat en études urbaines. Ses domaines de recherche sont : la rénovation urbaine, la culture, le bien-être et la migration urbaine. Dans le cadre du projet CCSC, elle a co-conçu et animé les deux laboratoires de co-création de politiques organisés en 2020. Elle a également coordonné et co-conçu la création d'une boîte à outils pour les maisons des communs à travers un processus de recherche participatif. Elle s'intéresse au développement de méthodologies qui permettent la participation politique de voix exclues de la sphère principale du débat public.
Préparation du chantier # 4
L'espace est émergé à partir du début comme un des thèmes centraux des communs à La Chapelle. En effet, à partir de la première visite et de la phase de conception de l'école des communs, on a plusieurs fois discuté des besoins du quartier et de ses organisations par rapport aux espaces et aux équipements. Finalement, les espaces sont médiateurs de plusieurs relations sociales, économiques, politiques et culturelles. Donc, leur importance dans les pratiques des communs est évidente. Le chantier a été conduit avec l'idée d'explorer la dimension d'"oser" avec le partage de l'espace, c'est-à-dire de penser à l'espace comme dispositif de relation aussi au-delà des exigences matérielles qu'on peut avoir par rapport à cette ressource.
Enquête - chantier #4
Questions de recherche
La question posée par le contexte local était le lien entre le partage d'espaces et le besoin : les pratiques observées reliaient l'idée de l'interdépendance spatiale (ex., l'utilisation d'espaces gérée par d'autres personnes) à une nécessité et un manque de ressources propres. Par conséquent, nous avons retenu comme question principale : est-ce que le partage ne vaut que lorsqu'il y a un état de nécessité et de rareté des ressources ?
Méthode
La question de l'"oser" a été explorée en choisissant trois points de vue sur la relation avec l'espace : habitant, qui est la personne qui vit le quartier; utilisateur, qui peut profiter de la valeur d'usage de l'espace; propriétaire/gestionnaire, qui peut décider les règles d'accès et utilisation de l'espace. Pour les objectifs de ce chantier, on a simplifié la dynamique en considérant les positions du propriétaire et du gestionnaire ensemble, en regardant surtout à la substance - plutôt qu'à la forme juridique (ce qui n'était pas l'objet du chantier) - du pouvoir de la personne sur l'immeuble.
L'idée était d'explorer les différents intérêts des différentes personnes par rapport à la ressource spatiale, pour essayer de réfléchir à des outils théoriques et pratiques qui permettent de faire croiser et équilibrer ces intérêts, ce qui est au centre de l'idée de l'espace comme bien commun. Pour simplicité, on a considéré très marginalement les relations entre propriétaire et gestionnaire, qui semblaient moins relevantes pour le public choisi.
Le cadre théorique de départ est celui d'Elinor Ostrom, qui a montré que les utilisateurs peuvent gérer une ressource en dehors du cadre de l'autorité publique ou des contrats privés, et que cette gestion communautaire peut être même plus efficace et durable que celle de l'état et du marché. Ostrom a élaboré des principes qui favorisent ce résultat. Ces principes ont été illustrés au début du chantier pour véhiculer des apprentissages théoriques centraux pour le partage des espaces.
Cas d'étude - chantier #4
L'enquête locale a inspiré la recherche internationale, en portant sur la qualité des usages de la Halle Pajol pour le quartier depuis sa transformation en espace public ou semi-public. La gentrification et la privatisation et l'accaparement de certaines des ressources se renforcent mutuellement. Les ressources privatisées sont la salle de spectacle, les salles d'activités et certaines parties du jardin. La privatisation par l'Auberge de Jeunesse se fait au détriment des associations et collectifs du quartier. La gestion du lieu est principalement guidée par des enjeux d'accès aux activités touristiques dont les fruits sont répartis (inéquitablement) entre quelques acteurs du territoire. L'enquête montre finalement comment les luttes sociales pour l'obtention de ressources peuvent être rattrapées dans le temps long de la gestion publique.
Les cas d'étude internationales ont été choisis par rapport à la demande de recherche. Donc, on a utilisé un cas pour chaque catégorie d'acteurs mentionnée ci-dessus : habitants, utilisateurs, propriétaires/gestionnaires.
Pour chacune de ces catégories, on a trouvé un exemple d'"oser", dans des différents lieux et contextes d'Europe :
- Gestionnaires qui osent: Magacin (Belgrad), avec l'outil du calendrier ouvert, pour accueillir les initiatives qui sont proposées de l'extérieur du collectif qui anime l'espace
- Habitants qui osent : les parents de l’Ecole Di Donato (Rome), qui ont signé une convention avec l'école pour permettre le déroulement d'activités autogérées à l'école dans les horaires au-dehors des horaires curriculaires
- Utilisateurs qui osent : Splendor (Amsterdam) est geré par les artistes euxelles mêmes, qui ont créé une coopérative pour permettre à l'espace de devenir un centre culturel et artistique qui accueille aussi des autres artistes.
On peut retrouver la présentation de ces démarches ici : https://docs.google.com/presentation/d/1AuCY7ybaDsPfNFpMDUCnZcQNEe0DIG5zhiWBDC7EABQ/edit?usp=sharing
Qu'est-ce qu'on a retenu pour le chantier et pour La Chapelle ?
L'introduction synthétique de ces résultats n'a pas permis bien sûr d'avoir une connaissance en profondeur des pratiques indiquées. Cependant, elle a permis de concrétiser le cadre théorique présenté, avec l'espoir de montrer que tout le monde à la possibilité et l'opportunité d'oser, en créant des expérimentations nouvelles.
Résultats du chantier #4
Le jeu de rôle sur La Chapelle
La démarche utilisée se base sur une mise en situation à travers un jeu de rôle. Les principales étapes ont été :
- Introduction théorique et pratique de l'enquête
- Jeu de rôle - La Chapelle en commun
- On sort des rôles!!! - assemblée d'analyse et debriefing
- Discussion plénière
Mandat du jeu
Pour célébrer les 30 ans du carnaval du quartier, on a proposé à Guerilla Foundation la création d’un festival de quartier avec des projections, de la distribution de bouffe, qui soit accessible en plusieurs langues. Le festival sera financé par 15.000€ avec un chiffre de 5.000€ pour chaque appliquant. En plus, Maria Francesca - une chercheuse du quartier qui a beaucoup de réseaux parmi les organisations intéressées aux communs - a obtenu un plus petit financement de 1.500€ par une petite, mais importante, fondation locale. Elle est chargée de coordonner le festival. Chaque association doit présenter sa proposition d’animation pour le festival pour la prochaine réunion.
Espaces / Organisations
Les participant.e.s sont regroupé.e.s en 3 espaces/organisations:
BLEU: vous faites partie d’un espace culturel qui a beaucoup de pellicules, en plusieurs langues. Vous n'avez pas de salle de projection. Vous avez une cuisine.
ROUGE: vous faites partie d’un groupe multidisciplinaire et multilingue qui ne dispose pas d’un espace propre. Vous avez l'équipement nécessaire pour des projections à l'extérieur.
JAUNE: Vous venez de relever un espace, vous n'avez pas encore accès à l’électricité, mais vous disposez d’un grand nombre de tables et chaises.
… on invite d'autres espaces/organisations ?
Crise!
Après qu'une grosse urgence environnementale arrive, les bailleurs de fonds de Guerrilla Foundation décident de tout donner à la solution de ce problème. Par conséquent, il n’y a plus de financement pour les 30 ans du carnaval.
Une assemblée est convoquée en 10 min pour décider ce qu’il faut faire
- Le festival a-t-il lieu ou non ?
- si oui, comment cela se fait-il ? qui/comment cela est-il communiqué à la communauté ?
- si ce n'est pas le cas, que se passe-t-il ? qui/comment cela est-il communiqué à la communauté ? et aux bailleurs de fonds (notamment de la fondation locale) ?
Debriefing Chantier #4
→ On coopère plus ou moins quand on n’a pas de financement ? → Est-ce qu’on peut coopérer aussi quand on a déjà des ressources ? Et pourquoi ?
Le world café sur un espace-type à La Chapelle
À partir d'une étude de cas (un tout nouvel espace - un immeuble de 2 étages et un jardin environnant - est disponible à La Chapelle), nous avons exploré les enjeux de l'ouverture et de la mise en accessibilité des espaces numériques et physiques. Nous avons confronté deux points de vue : celui des usagers et celui des acteurs du quartier (organisations, associations) qui gèrent ou possèdent ce nouveau lieu dans le quartier.
Pour ceullex qui gèrent ou possèdent un espace, les dimensions explorées seront les suivantes : Qui a les clés ? À qui et quand l'espace est-il accessible ? Comment gérer les resquilleurs ? Comment décider qui peut entrer dans l'espace et l'utiliser (alignement politique) ? Dans quelle mesure impliquer une communauté plus large ?
Du point de vue de l'utilisateur, nous explorons les dimensions suivantes : quels obstacles vais-je trouver ? Qu'est-ce que je veux donner en retour (ou suis-je un resquilleur) ? Est-ce que je veux participer à la gestion et à l'entretien ? Est-ce que je veux être impliqué dans le processus de prise de décision ?
- Présentation et introduction de l'enquête et des résultats de la journée précédente
- Avec le modèle world café, on tourne en couple en 3 tables, chacune représentante une catégorie (habitant, utilisateur, propriétaire/gestionnaire) - la tâche est d'identifier les peurs et les défis
- Plénière - les personnes reconnaissent les défis et essaient de trouver des outils pour aborder les problèmes (peurs) de chaque personnage
- Travail individuel - en une seule feuille de papier, chacune déclinée en objectif, comment pourraient-ils transférer l'"oser" en pratiques possibles dans leur quotidien d'usagers, d'habitants du quartier et de propriétaires/administrateurs d'un espace ?
- Travail plénier - lesquelles de ces pratiques peuvent être utilisées depuis maintenant à La Chapelle ?
Leçons apprises
Le jeu de rôle avait pour but celui de permettre la réflexion en se libérant des peurs que traditionnellement caractérisent le partage de l'espace. Dans ce sens, la réalité fictive créée à l'intérieur du jeu a permis de soulever des différentes questions autour de l'utilisation des espaces. À partir de ces dernières, il y a aussi des questions civiques et politiques plus générales qui ont été discutées pendant les débats.
Le jeu, en effet, a fait Émerger et a permis de travailler sur l'une des questions qui sont à la base du projet tout entier, c'est-à-dire les motivations et les modalités de la coopération. En effet, la "crise" fictive introduite dans le jeu a montré que - même si on a gardé une possibilité de coopération entre le cercle d'organisations engagé dans l'organisation des célébrations de carnaval - le manque de ressources a porté à la volonté d'inclure des personnes de dehors, mais a aussi créé des difficultés par rapport à la possibilité d'intégrer ces personnes dans l'organisation existante.
La discussion finale, après le jeu, a montré l'importance d'avoir mis en oeuvre l'imagination, car a donné lieu à des propositions, approches et solutions nouvelles, par rapport à celles qui avaient été discuté au début du projet. Reste, cependant, le défi de la mise en pratique des idées discutées, qui reste comme patrimoine partagé de La Chapelle.
QRcode de l'émission radio - chantier 4
Bibliographie chantier #4
- https://splendoramsterdam.com/en/about-splendor
- http://www.genitorididonato.it/wp/
- https://kcmagacin.org/en/the-model/
- E. Ostrom, La Gouvernance des biens communs : Pour une nouvelle approche des ressources naturelles