CHANTIER #3 de la gouvernance

Du 24 au 26 novembre 2022

THÈME : Le temps du soin

Intention du chantier #3

Le temps est une ressource essentielle dans la vie individuelle et collective. Dans nos organisations, nous utilisons le temps pour réfléchir, travailler, soutenir nos collègues et les usagers, vivre des moments communautaires, régler des conflits, gérer des activités, nettoyer et ranger nos espaces collectifs, etc. Toutes ces activités n'ont pas la même visibilité, mais elles nécessitent toutes des astuces et des dispositifs pour éviter l'épuisement et l'auto-exploitation ou la surcharge, pour concilier travail et militantisme avec le temps personnel, mais aussi pour rendre toutes les tâches visibles et les répartir.

Ce chantier s'est concentré sur la création de réseaux locaux et l'auto-organisation dans le quartier comme moyen de mutualiser nos ressources temporelles : par exemple, nous avons exploré des tactiques et des pratiques telles que le partage de tâches communes, la création d'agendas communs pour éviter la duplication et le chevauchement d'événements, l'affichage et redistribution du travail de soins, et plus encore.

Programme du chantier #3

Le chantier s'est déroulé en 3 phases :

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Dialogues autour d'histoires et d’expériences du quartier et venues d'ailleurs sur l'usage tactique du temps : présentation de la recherche doctorale sur la transformation urbaine d'une partie du quartier La Chapelle par Rémi Guillem.

EXPLORER

À l'aide d’un dispositif pédagogique, apprendre de et sur l’objet du chantier : réalisons l'horloge du temps du care. Qu'est-ce qui nous fatigue, qu'est-ce qui nous régénère ? Quelles activités ? Quels sont les espaces qui le permettent ? Quelles relations ?

FABRIQUER

Travail sur un objet singulier propre au quartier en rapport avec le sujet du chantier : planifions un centre d'été de quartier basé sur les soins mutuels et l'interdépendance. Enfants, parents, commerçant.e.s de quartiers, paysan.ne.s, étudiant.e.s. Un jeu de rôle.

Personnes invitées - chantier #3

Marie Moïse est activiste et doctorante en philosophie politique à l'université de Padoue et de Toulouse II. Elle écrit sur le racisme, le féminisme et les relations humaines.

Rémi Guillem est Doctorant CIFRE, Chargé de développement chez Vergers Urbains.

Préparation du chantier #3

L'enquête

Rémi Guillem, membre de l'équipe de Vergers Urbains, une association du quartier dédié à l'agriculture urbaine, a été invité à présenter son travail de programmation et conception d'un nouveau jardin collectif sur une parcelle de terrain en périphérie du quartier La Chapelle. Ce jardin sera aménagé après une longue période de jachère. Cette présentation répondait au besoin d'ancrer la question des temporalités dans le vécu du quartier habité par les humains et les non-humains. Cette présentation a mis en lumière la variation des temps selon qui et ce qu'on est et l'attention portée.

À la suite de cette exploration du territoire local, nous avons choisi d'explorer les questions suivantes :

  • Quelles sont les pratiques qui permettent un équilibre entre les besoins pratiques/logistiques des organisations et les moments de réflexion stratégique ? Votre organisation donne-t-elle le temps de partager des réflexions sans contraintes pratiques (avenirs possibles, projets possibles, collaborations possibles... non guidés par les délais imposés par les donateurs, les fondations, etc.)
  • Quelles sont les pratiques qui permettent un équilibre entre le travail sur les questions "internes" et "externes" ?
  • Qu'est-ce que c’est le soin pour vous ? Est-ce une définition partagée dans votre organisation ? Quelles sont les déclinaisons pratiques du care dans votre organisation ?

Le chantier

Le temps productif et le temps reproductif sont deux dimensions très différentes. Le temps productif est mesurable, régulier et linéaire. Il a un début et une fin. Le temps de la reproduction se caractérise précisément par son impossibilité à être mesuré, et circonscrit par des quantités définies. Comme les penseuses féministes en ont eu l'intuition, se reproduire, prendre soin de soi et des autres, régénérer ses propres énergies physiques et psychiques ainsi que les énergies des autres n'impliquent pas (ou pas seulement) un temps "de quantité" : comment quantifier le temps que je passe à prendre soin de la santé d'une autre personne, à écouter ses besoins ou ses émotions ? Qu'est-ce qui permet à ma disponibilité de se régénérer ? Il s'agit d'un temps qui n'est pas "de quantité", mais un temps "de qualité".

Sur la base de cette considération, cet atelier a proposé deux activités pour sortir du temps productif et entrer dans le temps incommensurable du care, c'est-à-dire des relations de qualité, consacrées à l'écoute des besoins et des désirs et, de là, à la découverte et au renouvellement des ressources. Ces relations sont fondées sur l'interdépendance, la circularité et la réciprocité. À travers les activités de l'atelier, nous les rendrons visibles, praticables et stratégiques, pour un rapport à l'activisme et aux besoins des autres qui s'oppose au modèle (patriarcal et libéral) du sacrifice ou de l'annulation de soi, à fin de rendre praticable et stratégique la construction de liens interindividuels et communautaires capables de renforcer l'interdépendance.

1) Réalisons l'horloge du temps du care. Qu'est-ce qui nous fatigue, qu'est-ce qui nous régénère ? Quelles activités ? Quels sont les espaces qui le permettent ? Quelles relations ?

2) Planifions un centre d'été de quartier basé sur les soins mutuels et l'interdépendance. Enfants, parents, commerçant.e.s de quartiers, paysan.ne.s, étudiant.e.s. Un jeu de rôle.

Résultats

Leçons apprises

Alors que nous explorions les transformations urbaines plus larges liées aux agendas politiques d'échelles de gouvernance plus grandes que le quartier, mais intéressant La Chapelle (Jeux olympiques 2024, ligne de train rapide, Paris international, etc.), il était important pour nous d'écouter les recherches locales en cours qui ont été présentées, car elles ont permis aux participants de situer les transformations actuelles dans un cadre temporel plus large et ont donné plus d'instruments pour réfléchir collectivement à ces transformations et éventuellement engager une conversation sur ces transformations avec les acteurs politiques. Plus spécifiquement, il était évident que l'échelle du quartier, dans des villes aux transformations aussi rapides que Paris, est touchée par des transformations majeures décidées à d'autres échelles de gouvernance. La recherche locale (activiste) est donc un instrument qui donne aux acteurs locaux les moyens de défendre leurs besoins et de participer en tant qu'acteur politique aux discussions sur les transformations de leur propre territoire.

Au cours de ce chantier, nous avons pu explorer collectivement les façons dont les pratiques de soins sont transversales à nos activités individuelles et collectives. Nous avons appris combien il était difficile de sortir de notre automatisme intériorisé de productivité : alors que nous planifions un centre d'été basé sur le soin collectif et l'interdépendance, nous avons simplement rempli l'agenda avec un millier d'événements et n'avons jamais, par exemple, dédié d'espace à des activités qui permettaient le repos collectif. Nous avons de grandes difficultés à légitimer les soins collectifs et le repos collectif en tant qu'activité légitime à laquelle consacrer du temps.

QRcode de l'émission radio - chantier 3

Bibliographie chantier #3