Les thèmes au coeur de la classe sur l'alimentation

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Alimentation empêchée

Le régime alimentaire international issu du modèle néolibéral a produit un marché mondial avec de la “nourriture de nulle part” (Philip McMichel) et a entraîné la rupture entre agriculteurs, sites écologiques et traditions culinaires. Par conséquent, les habitants des villes, en tant que consommateurs, sont soumis à une filière agroalimentaire basée sur le modèle de la grande distribution et sur la perte de connaissance de l'origine, de la spécificité et de la qualité des produits agricoles. Cette perte de connaissance concerne aussi bien la qualité des produits et leur mode de production que les conditions de vie et de travail des paysans. Ces derniers, à leur tour, sont soumis à des conditions de précarité et d'endettement, et sont contraints de modifier leurs pratiques de soin et de reproduction de la terre, sur la base de relations de dépendance vis-à-vis des acteurs de l'agrobusiness.

Dans ce contexte, les approches alternatives visent à la fois à retisser des liens directs entre entre acteurs des filières alimentaires (producteurs, transformateurs, distributeurs) et consommateurs et gestionnaires des pertes et déchets de l’autre, et à connaître et faire connaître les conditions sociales de production qui sont à la base de la culture alimentaire, en mobilisant les domaines de la connaissance (information, éducation, formation), de la santé-nutrition, de la coopération-solidarité, de la culture, du social, des lois et règlements, etc. Toutes ces activités visent ensemble à transformer les pratiques alimentaires vers plus de viabilité économique, d’équité sociale et de soutenabilité environnementale.

Bien manger en commun

Le concept d’alimentation en commun est mis de l'avant principalement par des chercheurs. Il est complémentaire à ceux d'agroécologie, de citoyenneté, justice, ou souveraineté alimentaire, plus familiers des mouvements sociaux engagés dans le champs de l'alimentation. Il permet de porter un regard sur des dimensions attachées aux pratiques, que sont notamment celles de l'accès, de la production et du partage des ressources (la nourriture, mais aussi la connaissance), et du soin et de l'organisation du travail. Il permet de relier ces pratiques à d'autres champs du commun.

La mise en commun s'appuie sur des mécanismes juridiques, économiques et politiques et s’incarnent dans des activités collectives à travers une variété de modes d’organisation, de coordination et de gouvernance. Les expériences se diffusent dans les territoires, portés par la capillarité des réseaux d’acteurs et leur circulation, y compris auprès de ceux pour qui l'alimentation est une activité secondaire. Elles incarnent un récit de la transition possible. Il manque cependant souvent un cadre d’analyse pour rendre visibles et renforcer le sens de ces pratiques disséminées dans les projets à visées sociales et écologiques, pour produire des recommandations en vue d’établir l’alimentation en commun, en un mot faire culture commune.

Nous avons proposé de créer, à partir de 4 situations d’expérimentation, un corpus de ressources facilement accessibles et utilisables par les collectifs, pour développer leurs projets alimentaires dans la matrice des communs. L’itinérance de l’école a permis de repérer et d’accompagner les pratiques, de tisser des liens entre les acteurs et les actrices, de co-produire et partager la connaissance au plus près des réalités. Cette classe vise la mise au jour des controverses qui sous-tendent les pratiques alimentaires, pour en faire l’objet d’un débat public et en constituer l’adresse.

Pourquoi faire école des communs autour de l'alimentation?

L'éveille de cette classe résulte de deux essais simultanés : d’une part, constituer les communs de l’alimentation en objet de recherche ; d’autre part, adossé à cet effort de penser l’alimentation en commun, celui d’instituer un sujet collectif : une école des communs.

L’école des communs s’invente à travers l’élaboration d’une méthode : celle de l’enquête collective, nommée par la suite en-quête (un raccourci pour dire que ce qui rassemble ici les protagonistes, c’est d’être en quête d’une alimentation en commun). Elle vise la constitution de son objet, les communs de l’alimentation, à travers la mise en œuvre d’un faire-école dans le champ spécifique des pratiques alimentaires.

L’en-quête s’attache à visibiliser les pratiques alimentaires en commun, à travers la description située d’un ensemble bien caractérisé de quatre exemples pris dans leur contexte. Chaque situation se distingue sur deux plans : par opposition sous l’aspect géographique et par contiguïté sur le cercle production/consommation.

Ainsi, avec le projet Ecole des communs Se nourrir-penser/panser nos liens au vivant, il ne s’agit plus de “reconnaître la théorie des communs” dans l’action et les pratiques de acteurs, mais d’en mobiliser l’outillage conceptuel pour saisir l’Alimentation - qui de fait, relève à l’évidence pour chacun et chacune des personnes mobilisées, d’un droit moral inaliénable : bien manger - comme vecteur d’émancipation et de transition sociale et écologique. Cette démarche fait écho à la réflexion du mouvement des communs, porté par les militants, la recherche et des acteurs politiques qui questionne notre conception de l’action publique et fait émerger des perspectives nouvelles pour les acteurs et les institutions. Propriété, autonomie, participation, maîtrise d’usage, par exemple, sont conjuguées avec les droits sociaux et les enjeux environnementaux pour faire naître des dispositifs normatifs, économiques ou des mécanismes de partage de pouvoir et d’inclusion.