Cartographie des communs : repenser ce qu’habiter Toulouse veut dire

Article Par: Frédéric Sultan (2025 07 04)

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Toulouse, France Du 24 au 28 mars 2025, Toulouse a été le théâtre d'une expérience visant à repenser l'accès et l’usage de l'espace urbain à travers le prisme des communs. Organisé par Remix the Commons et Solidarius Italia, en collaboration avec Orangotango et plusieurs acteurs locaux, cet atelier de contre-cartographie critique a rassemblé des militants, des experts et des membres de la communauté pour revisiter nos façons d'habiter la ville.

Contexte et Objectifs

À Toulouse, comme dans de nombreuses villes européennes, la financiarisation de l'immobilier et la marchandisation de l'espace urbain rendent de plus en plus difficile l'accès à un logement abordable et à des espaces pour des activités sociales et culturelles. Face à ce type de défis, le projet Ecosystème des communs visait à monter un Commons lab pour identifier et rendre visibles les ressources foncières et bâties et comment elles échappent ou pas aux logiques marchandes. L'atelier s'est construit autour d’une pratique de contre-cartographie développée par le collectif Orangotango. Il a visé à identifier et à problématiser les enjeux de l'accès aux ressources et créer une carte des pratiques alternatives à Toulouse dans l'histoire et de l'usage de l'espace urbain.

Méthodologie et Déroulement

Le collectif orangotango (Orangoutan en portugais) travaille depuis 2018 sur des questions d'espace, de pouvoir et de résistance. L'éducation populaire est au centre de ses activités, ainsi que des interventions politiques et artistiques qui cherchent à contribuer à la réflexion et au changement des rapports sociaux existants. Par le biais d'ateliers, notamment de contre-cartographie, de promenades urbaines critiques, d'interventions artistiques dans l'espace public et de publications, Orangotango propose d'apprendre à lire l'espace et de stimuler les processus et les structures qui contribuent à son aménagement et à sa transformation.

En s’appuyant sur les liens personnels entre géographes engagés dans les luttes locales, le collectif orangotango se mobilise en particulier dans les domaines du droit à la ville, de la contestation artistique, de l'agriculture (urbaine) et de l'éducation des jeunes, principalement en Europe et en Amérique latine. En 2018 il a publié le livre This is not an Atlas, qui présente 40 contre-cartographies à travers le monde Voir notanatlas.org. Cet ouvrage a été traduit en français et publié en 2021 aux Editions du communs (proche de Remix the commons) par la géographe Nephtys Zwer sous le titre Ceci n'est pas un atlas : la cartographie comme outil de lutte. Cet ouvrage est consultable ici

Avec une vingtaine de participants, issus de divers horizons et organisations locales, ainsi que des experts en méthodologies de cartographie, l'atelier a débuté par une introduction à la cartographie critique, suivie d'une réflexion collective sur la notion d'habiter. Les participants ont ensuite entamé la construction d'une carte conceptuelle et territoriale, destinée à représenter les lieux, les obstacles et les liens entre eux. Cette carte, itinérante et évolutive, a été enrichie au fur et à mesure des visites de différents lieux et des rencontres avec leurs habitants. La première journée a également permis d’ouvrir un échange sur les enjeux de récit et contre-récit, notamment à travers l’écoute d’un documentaire sonore revenant sur les témoignages d’habitant·es ayant du quitter leur logement suite aux politiques d’aménagement urbain. Ces histoires, parmi d’autres traces (photos, textes, sons…) ont été rassemblées et cartographiées sur un site web par un collectif souhaitant inscrire la parole des habitant-es et la violence institutionnelle des politiques d’aménagement don’t iels sont l’objet en contrepoint des discours et récits officiels, largement autopromotionnels. Il a également été question de la présence du vivant dans la ville à travers l’écoute de plusieurs courts documentaires sonores illustrant ces enjeux. Les deuxième et troisième jours ont été consacrés à des visites de terrain, où les participants ont pu discuter avec les habitants et les acteurs locaux. Ces échanges ont permis de nourrir la réflexion et d'enrichir la carte de nouvelles données et perspectives. Le quatrième jour, l'atelier s'est conclu par une présentation publique de la carte, suivie d'une discussion collective sur les enjeux et les perspectives ouvertes par cette démarche.

Le recours à la cartographie critique et collective permet de questionner les dynamiques de pouvoir à l’œuvre dans les espaces toulousains, et la façon dont ces espaces sont appropriés et vécus. Lors de l’atelier une ébauche de carte conceptuelle sur la notion d’habiter et une carte territoriale (destinée à représenter lieux, obstacles, et liens entre eux) ont été réalisées de façon collective. La carte a été construite au fur et à mesure de l’atelier, tant au niveau de l’établissement de la légende, comme de son contenu. C’est donc une carte itinérante que nous avons déployée au fur et à mesure de nos visites. La carte n’était pas destinée à être définitivement terminée une fois l’atelier conclu. Elle a été présentée à un public plus large avec qui le processus cartographique et les catégories mises en place ont été discutés. La carte a ensuite été mise à disposition pour continuer à recevoir des contributions des personnes et des collectifs qui voudraient la compléter. Parmi ces personnes figuraient des membres de groupes travaillant ou militants sur des habitats participatifs et coopératifs et occupant avec ou sans garantie juridique des lieux d’activité etde création.

Les résultats de cette initiative sont multiples : formation aux pratiques et aux outils de contre-cartographie, élaboration de stratégies pour faire face à la raréfaction des espaces à Toulouse, et avec l’envie que cela permete de rendre visibles les problèmes rencontrés et d'influencer les politiques publiques correspondantes. L'atelier de cartographie des communs à Toulouse a permis de créer un nouvel espace de réflexion militant pour repenser les usages de l'espace urbain et défendre de nouvelles formes de gouvernance de l'espace urbain, plus inclusives et solidaires.