Éducation populaire : retour sur Écosystèmes des communs

🔗 Contexte : Classe > Faire Écosystème

📦 Format : Article Interview (2025 07 02)

Après 9 mois d'exploration en France et en Italie, L'expérience Écosystèmes des communsun partage les leçons apprises et des souhaits pour la suite

Habiter Toulouse 09

Interviewer : Commençons par les origines du projet. Qu'est-ce qui a inspiré la création des « Écosystèmes des Communs » ?

Équipe du projet : L'inspiration est venue d'une vision commune de Remix the commons, Solidarius et d’autres. Nous sommes des activistes du mouvement social engagés dans différents domaines et en particulier, les communs pour Remix et l’ESS pour Solidarius. Nous partageons l’idée que renforcer les communs et le commoning au sein des communautés, leur permet de développer des stratégies qui répondent à leurs besoins dans des domaines comme l'alimentation, la santé, la culture, l'éducation et le transport. Nous aussi avons remarqué que, bien que de nombreuses initiatives soutiennent les communs dans diverses régions et secteurs, il était nécessaire de rendre ces efforts plus visibles et interconnectés. Notre objectif était alors de créer un espace pour développer des capacités d’action, partager des méthodologies, des pratiques et des outils avec ceux qui sont impliqués dans les communs.

Depuis plusieurs années, nous avons créé des occasions de partage. Nous nous sommes rencontrés au cours des années 2010 et nous avons organisé une rencontre de 2 jours en 2022 à Mondeggi déjà pour partager nos pratiques. Avec le soutien d’ERASMUS, nous avons pu structurer un projet de plus grande envergure et sur une durée de 9 mois. Cela donne de bonnes conditions pour expérimenter des nouvelles choses, notamment déployer nos compétences pour solutionner des problématiques locales car on entend souvent dire que les réflexions sur les communs sont conceptuelles, loin du concret. Cette collaboration visait à renforcer nos pratiques par l’échange et à tisser des nouvelles alliances transnationales avec des acteurs convaincus du pouvoir transformateur des communs et du commoning.

Renforcer les communs et le commoning

Interviewer : Quels étaient les principaux objectifs que vous visiez à atteindre ?

Équipe du projet : Nous avions trois objectifs principaux. Premièrement, explorer, partager et tester des méthodologies et des outils qui soutiennent et développent les écosystèmes des communs. Deuxièmement, intégrer la culture des communs pour sensibiliser et inspirer par le biais du storytelling en tant que pratique collective à laquelle nous attribuons une dimension politique importante. Enfin, nous voulions renforcer la capacité des initiatives communautaires à agir pour un changement vers une transition éco-sociale. Nous pensons que la culture de l’action collective est à la fois un moteur de l'engagement civique et son résultat, qu’elle soit diffuse dans une communauté, chacun et chacune prend des initiatives dans son environnement ou portée par des organisations plus structurées comme des associations par exemple. Les communs et le commoning recouvrent ces réalités et sont comme l’énergie dans notre organisme !

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Interviewer : Pouvez-vous nous parler de certaines des activités clés que vous avez mises en œuvre ?

Équipe du projet : Bien sûr. Nous avons organisé un séminaire transnational de cinq jours avec 32 personnes de 26 organisations différentes venues de 7 pays. Le programme comprenait des sessions sur les méthodologies, le storytelling et permettait de découvrir le contexte de quatre écosystèmes de communs différents situés à Florence, Paris, Naples et Toulouse. 5 jours de séminaire transnational

Pendant ce séminaire, nous avons d’abord fait connaissance et c’était très intéressant de se rencontrer entre militants de différentes causes et avec des experts aussi différents ceux qui travaillent sur l’économie communautaire, Bianca et Litto du CERN (Community Economy Research Network) et ceux qui créent des artéfacts de mobilisation citoyenne comme Matthieu de Art&Fact qui est aussi membre de Remix.

Le séminaire se passait principalement sous forme d'ateliers, dans une logique d'apprentissage entre pairs. Le programme était riche et varié. Il a alterné des matinées consacrés à l’initiation aux méthodologies, des travaux préparatoires des commons labs à venir dans chaque écosystème et une plongée dans les enjeux du stotytelling sous toutes ses formes : graphique, écrite, orale, performative..., avec Amber don’t c’est le sujet d’études.

Pouvoir réunir autant d’experts et découvrir dans le même temps les Patterns of Commoning, l’usage d’artéfacts ludiques de mobilisation, les Partenariats public-communs et à la permaculture sociale Process Work ou encore l’usage des outils de représentation et d’analyse de l'économie communautaire, a rendu le séminaire très intense.

Par chance, nous étions accueillis en Bourgogne près de Cluny à La MUE, la Maison des Utopies en Experimentation, un lieu auto-géré par un collectif d’associations françaises. C’est un endroit magnifique où nous avons vécu une expérience d’auto-gestion à 32 personnes qui ne se connaissaient pas avant d’arriver là.

Commons Labs et apprentissage entre pairs

Après le séminaire, nous avons mené quatre Commons Labs dans chacune des villes, en nous concentrant sur divers thèmes et enjeux pour les commiunautés concernées tels que la Co-gouvernance et Partenariats Public Communs à Florence, et Bien Manger à Paris, Habiter à Toulouse ou l’accès à la ville pour tous à Naples. Chaque commons lab mobilisait une ou plusieurs méthodologies pour répondre aux besoins des collectifs ou de la communauté concernée. C’est à ce moment que nous avons été rejoints par Orangotango, le collectif de contre-cartographie qui a fait un très beau travail à Naples et à Toulouse. Les résultats de chaque Commons lab nous apprenent beaucoup à la fois sur les causes défendues et les mobilisations et sur les enjeux de l’accompagnement des communs et du renforcement du commoning.

Questionner les pratiques de storytelling

Nous avons également proposé une série de trois sessions en ligne sur le storytelling pour développer des récits autour des initiatives de mise en commun et surtout pour sortir ces récits de l’entre-soi et du jargon militant. Ces trois sessions étaient articulées avec les commons labs qui où les participants testaient leurs apprentissages et revenaient à la session suivante pour partager les résultats et en discuter.

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Interviewer : Quels ont été les défis auxquels vous avez été confrontés pendant le projet ?

Équipe du projet : Le premier défi était de gérer notre propre ambition ! Le projet était intense, non seulement le séminaire, mais aussi l’enchainement des activités sur 9 mois. Nous avions sous-estimer le fait que entre la soumission du projet à ERASMUS et la validation il se passerait 6 mois et que les dates prévues ne seraient pas inscrites dans les agendas. Nous avons du décaler le programme et cela a été un facteur de stress important pour la coordination.

Surmonter les barrières linguistiques et culturelles

Un autre défi habituel dans les échanges internationaux, a été de gérer les divers linguistiques et culturels des participants. C’était important pour le projet de permettre la participation en personne et en ligne de personnes engagées qui ne parlent pas nécessairement l’anglais. Alors il fallait trouver des solutions. Nous avons abordé cela en utilisant diverses méthodes de traduction du chuchotement par les pairs à l’interprétariat classique.

Maintenir la participation active un engagement dans le projet de tous les partenaires alors que chacun retourne à ses préoccupations lorsque l’activité collective est terminée était aussi une dimension critique du projet. Nous avons aussi appris l'importance d'une communication claire et d'une répartition la plus équitable possible des tâches pour favoriser la coopération.

Interviewer : Comment avez-vous mesuré le succès et l'impact de votre projet ?

Équipe du projet : On mesure bien sûr le succès au nombre de personnes qui ont participé qui est nettement plus élevé que ce qu’on avait prévu. Il y a aussi les productions des Commons Lab et des ateliers de storytelling. Certaines sont de vraies perles comme par exemple l’interview des deux enfants d’école primaire qui expliquent comment ils ont lancé une campagne contre la mauvaise qualité de l’alimentation dans leur cantine et sont allé jusqu’à participer à la commission municipale qui gère les cantine pour faire valoir leur droit à une alimentation de bonne qualité (à écouter ici ).

Les résultats les plus importants sont immatériels

Nous avions aussi prévu d’établir des grilles d’évaluation des activités et de l’ensemble du projet mais nous n’avons pu le faire finalement alors faute de temps et de coordination. Finalement nous avons utilisé une combinaison d'évaluations qualitatives et quantitatives basée sur les témoignages des participants, sur les retours des membres du COPIL après les activités, sur l’impression générale laissée par l’activité dans la communauté où elle s’est déroulée. Par exemple, nous avons mesuré le nombre de participants formés et les méthodologies qu'ils ont apprises. Les résultats tangibles les plus importants sont immatériels. Ils sont aussi racontés par les articles, les cartes et le jeu de cartes et les récits produits. Enfin, l'engagement continu et les initiatives déclenchées par notre projet dans les communautés des quatre écosystèmes soulignent. À Paris par exemple, les jeux de cartes ont été utilisés par des associations lors de différentes manifestations : un banquet populaire au Shakiraîl, une fête de l’alimentation au Jardin des traverses. Le journal local le 18ieme du mois a fait un dossier complet sur le jeu et l’alimentation dans l’arrondissement. On nous a demandé de présenter le jeu et la démarche à l’Accadémie du Climat.


Interviewer : Quelles sont les perspectives d'avenir pour le projet « Écosystèmes des Communs » ?

Équipe du projet : Le projet a posé des bases solides pour se projeter vers de nouvelles initiatives d’éducation populaire avec les personnes engagées dans les communs. La notion d’écosystèmes des communs nous permet de regarder autrement les communs : non seulement les initiatives structurées sous des formes ou des statuts reconnus comme les associations, mais aussi des pratiques diffuses de solidarité qui imprègnent et crystallise la culture militante. Ce par quoi les habitants se reconnaissent appartenir à la même d’une communauté.

Poursuivre l'expérience des Commons Labs

Cela nous permet d’imaginer des démarches d’éducation populaire puissantes. À ce titre, les commons labs sont des expériences à approfondir. Elles questionnent les pratiques de production et transmission de la connaissance et la distinction entre expertise, facilitation et expérience vécue. Chacun de nos Commons Lab a développé un scénario original pour relier partage de connaissance avec la transformation de la situation dans laquelle se trouvent les personnes concernées. Nous en avons encore d’autres à explorer et surtout, ensuite il faut les formaliser pour qu’ils puissent être utiles à d’autres.

Nous pensons également à renforcer l'aspect storytelling pour continuer à inspirer et à sensibiliser sur le pouvoir transformateur des communs et lui donner plus de force et d’impact dans la culture parce que c’est une condition pour faire advenir une transition écologique et sociale.

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À long terme, nous souhaitons pouvoir mener de nouveaux Commons labs sur des thèmes qui intéressent directement les activistes et plus largement les habitants. Nous voudrions aussi expérimenter différentes manière d’intégrer les méthodologies comme moteur de la facilitation du processus d’enquête des Commons Labs. Et puis enfin, nous aimerions développer des moyens de mieux et plus diffuser les résultats de ces activités en les rendant accessibles y compris aux personnes qui ne se sentent pas militantes. On pourrait explorer des pratiques médiatiques papier ou numériques. On devrait aussi clarifier le vocabulaire des communs avec un glossaire qui ressort de ces pratiques. Bref, toujours cette idée de sortir les communs du jargon et de l’entre-soi de la recherche ou de l’activisme.


Interviewer : Enfin, quel conseil donneriez-vous à ceux qui souhaitent se lancer dans des projets similaires ?

Équipe du projet : Notre conseil serait de veiller à une préparation solide et à une communication claire entre tous les partenaires. Embrassez la diversité des participants et utilisez-la comme une force. Soyez adaptable et prêt à modifier les plans si nécessaire pour mieux répondre au contexte et aux besoins des communautés impliquées. Veillez à mesurer les efforts que demandent un tel projet pour éviter de démobiliser les partenaires. Enfin, gardez toujours à l'esprit les objectifs principaux et ne faites pas comme nous, veillez à évaluer les progrès pour rester sur la bonne voie !

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